Les évêques se forment au dialogue interreligieux
La moitié de l’épiscopat français a assisté à une session doctrinale de formation sur le dialogue interreligieux
Cinquante évêques participent à la cession doctrinale de formation sur le dialogue interreligieux, à Lyon, le 16 février (Thierry CHASSEPOUX/CIRIC). Retour sur les bancs de l’école. Pour une formation de haut niveau. La moitié de l’épiscopat français, soit cinquante évêques, s’est inscrit à la cession doctrinale de formation, pour « prendre du recul » sur le dialogue interreligieux. Dans la bonne humeur.
« Nous sommes heureux de nous retrouver, gratuitement, sans texte à voter, sans décision à prendre », sourit Mgr Pierre-Marie Carré, président de la commission doctrinale de la conférence épiscopale. Même si la demande formulée par les évêques d’aborder « un sujet neuf par rapport à la formation qu’ils ont reçue, tant le contexte a changé » répond à une réalité de terrain parfois difficile à gérer.
Perplexité de beaucoup de fidèles
La session comprenait une partie théorique, avec des exposés autour des questions théologiques posées par le dialogue avec les autres religions. Ainsi, le P. Michel Fédou, jésuite, professeur de patristique et de théologie dogmatique au Centre Sèvres, a-t-il comparé la situation actuelle à celle que vivaient les Pères de l’Église, où il fallu penser le christianisme dans des cultures nouvelles.
« Nombre d’entre eux partagent la perplexité commune à beaucoup de catholiques face à cette question », analyse de son côté le P. Jean-Marc Aveline, théologien, qui est intervenu sur la théologie du dialogue interreligieux aujourd’hui. « Ils affichent leur volonté de comprendre ce qui fonde l’engagement de l’Église dans le dialogue interreligieux, et s’appuyer dessus » , lorsqu’ils sont interpellés dans leur charge.
« Les évêques sont de plus en plus souvent sollicités par les pouvoirs publics sur des questions relevant de la paix sociale, poursuit le théologien. Dans le même temps, ils sentent à l’intérieur du peuple chrétien des interrogations profondes dont ils ne peuvent pas ne pas tenir compte. »
80 % de musulmans dans des établissements catholiques
Comme Mgr Georges Pontier, confronté à la présence importante d’élèves de confession musulmane dans les établissements scolaires catholiques. « Jusqu'à 80 % dans certaines écoles implantées dans les quartiers populaires, précise l’archevêque de Marseille. Comment annoncer l’Évangile ? Comment accueillir les fêtes musulmanes ? Que peut-on ou non accepter ? Il ne faut pas fuir ces questions. Même si le sujet est délicat, et qu’il croise une dimension religieuse à des questionnements plus identitaires. Ce genre de session nous permet d’être à l’aise, en accord avec nos pratiques de terrain. » Questions qui ont été aussi abordées, mercredi 16 février, lors d’un dialogue avec Azzedine Gaci, président du conseil régional du culte musulman.
Ces enjeux se posent d’abord pour les diocèses urbains, où les relations avec la communauté musulmane traversent quelques turbulences. Notamment « en banlieue, avec l’influence croissante d’un islam de courant salafiste, relève Mgr Michel Santier, président du Conseil pour les relations interreligieuses et évêque de Créteil, en région parisienne. Cela tend la situation sur le terrain, où les responsables musulmans engagés dans le dialogue prennent leurs distances. Et les plus jeunes doivent faire face à certaines provocations, qui les obligent à approfondir leur foi. »
Mais les enjeux ne sont pas inexistants dans les diocèses ruraux. Le dialogue interreligieux y poursuit sa progression. « Jusque dans le bassin minier » , relève Mgr Benoît Rivière, évêque d’Autun. Sans pour autant effacer les inquiétudes, renforcées par les tensions géopolitiques ou le sort des chrétiens d’Orient.
Le dialogue interreligieux est une expérience spirituelle
« On me demanderait presque d’apprendre à résister contre l’islam, s’inquiète Mgr Rivière. Tout cela ne trouve pas écho en moi », poursuit l’évêque, qui en appelle à « une formation chrétienne plus profonde ». Comme « l’effort théologique » consenti durant ces deux journées. Aucune « théorie » ici, insiste l’évêque d’Autun, pour qui le dialogue interreligieux est une expérience spirituelle emmenant « un approfondissement de notre propre relation au Christ » , dit-il.
Les évêques ne sont pas les seuls en attente. « On me demande de plus en plus souvent des formations, des conférences, des lieux de rencontre entre chrétiens et musulmans », relève Mgr Rivière.
Ce que Mgr Michel Santier appelle également de ses vœux : « Si nous voulons que le dialogue interreligieux porte ses fruits, il faut que les parties prenantes soient fortement enracinées dans leur foi. »
|
Bénévent TOSSERI, à Lyon
|