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09/01/2010

Monde & Vie - 9 janvier 2010

Thiberville dans l’Eure : Pour qui sonne le glas ?


L’église Saint-Taurin à Thiberville dans l’Eure est comble. Ce dimanche 3 janvier, c’est la foule des grands jours, des paysans qui se sont mis sur leur 31, des locaux et quelques rurbains, installés à proximité, qui tranchent par leur habillement dans cette assistance campagnarde. L’évêque d’Evreux, Mgr Christian Nourrichard a annoncé sa venue. Il arrive flanqué de son chancelier le Père Jean-Pierre Decraène et du Père Jean Vivien, vicaire épiscopal, curé de Bernay la grosse ville voisine et pressenti pour la succession à Thiberville du curé en exercice, l’abbé Francis Michel. L’heure est grave. Une banderole à l’entrée de l’église donne le ton : « Pitié Monseigneur ».

Mais apparemment l’heure n’est pas à la discussion. Encore moins à la pitié. L’évêque vient simplement démettre un curé, connu dans toute la Normandie comme un formidable pasteur d’âme, donnant tort à lui tout seul à la sinistrose dans laquelle se débat le diocèse. Devant les premières réactions de l’assistance, le patron du diocèse se donne d’emblée le beau rôle : « Je ne veux que la paix, ils veulent la guerre », citant doctement au micro le psaume 119 verset 7, qui ne dit d’ailleurs rien de tel. Et d’enchaîner, devant des paroissiens qui ont manifestement pris leur parti (qui n’est pas le sien) : « Je vous laisse apprécier ». Un sourire de commande, énervant, une attitude distante. Les vrais gens ne s’y sont pas trompés. L’évêque aura le temps d’ajouter : « Je suis donc venu pour cette fête de Toussaint ». Peut-être entendait-il le glas, qui sonne pour son diocèse sinistré. Confondre au micro, la Toussaint et l’Epiphanie, cela vous avait quelque chose de… freudien. Les paysans locaux ne s’en laissent pas conter. Ils hurlent : « Païen ! » Un laïc, qui fait habituellement les lectures dans la paroisse de Thiberville, Christian Wagner, est obligé d’intervenir une première fois pour sauver l’évêque et lui permettre de continuer. Mais alors il n’est plus question de messe. L’évêque sent que sa position est tellement précaire qu’il ne tiendra pas longtemps. Il jette donc la bombe qu’il était venu porter. Il a pris conseil de tous ses conseils, presbytéraux, diocésains… et sa décision est irrévocable : « La paroisse de Thiberville n’existe plus ». Elle doit être rattachée à un groupe paroissial imaginé voici quelques années dans le projet Paroisses 2000. Aucune proposition n’est faite à l’abbé Michel, 60 ans, qui bien entendu, « n’est plus votre curé ».

Pendant que la foule se disperse, Christian Wagner reprend la parole. Il explique posément que Vatican II entendant donner la parole aux laïcs, il se permettait de la prendre, en reprochant à l’évêque de ne pas oser donner les vraies raisons de sa décision. « Le Père Michel est de sensibilité traditionnelle, et ça c’est le péché ». Et de souligner combien la pastorale du curé de Thiberville était proche des vœux du pape. Avant d’accuser solennellement : « Il y a de la haine dans ce diocèse de la part de deux de vos vicaires ». Tout le monde avait compris. L’un des deux vicaires de l’évêque était justement ce Père Jean Vivien qui portait si solennellement le livre liturgique lors de la procession d’entrée et qui venait en tant que successeur de l‘abbé Michel. La faute psychologique de l’évêque apparaissait aux yeux de tous. Le message des défenseurs de l’abbé Michel est merveilleusement passé. La Video parfaitement réalisée qui circule sur Internet portera ce spectacle insoutenable de l’incompétence d’un évêque et de la justification précise du curé par un laïc aux quatre coins du monde.

L’abbé Michel intervint pour finir comme « le principal intéressé » ainsi qu’il se présenta lui-même. Il invita ses fidèles à le rejoindre dans une autre de ses églises, à proximité de Thiberville. La messe eut lieu à 11 heures. Et l’après midi, la messe dans la forme extraordinaire du rite, qu’il célèbre habituellement lui-même, rassembla une foule impressionnante, le mouvement de communion ayant duré quelque vingt minutes…

Quelles leçons tirer à chaud, alors que l’on ne sait pas encore comment la situation va se stabiliser ?

Il me semble que la première leçon des événements de Thiberville, c’est qu’aujourd’hui le curseur s’est déplacé tellement loin sur la droite, parmi les catholiques qu’un évêque de gauche qui veut avoir un discours de gauche, comme Mgr Nourrichard, chaque fois qu’il s’exprime personnellement, apparaît comme décalé. Comme était décalé Mgr l’évêque de Langres face aux militants de Paix liturgique. Comme était décalé Mgr l’évêque de Nancy lançant ses foudres sur les traditionalistes de son diocèse dans sa grande interview du 11 novembre au Républicain lorrain. Comme était décalé Mgr l’évêque de Poitiers dans son livre testamentaire, J’aimerais vous dire, où, de son propre aveu, il n’a le temps que de s’intéresser aux préliminaires d’un discours chrétien. Et comme, en contraste, apparaît comme recentré ce progressiste intelligent qu’est Mgr Dagens, auteur d’un rapport sur l’identité catholique, où il reconnaît – généreusement – ce qu’il appelle lui-même ce « décalage » justement, entre beaucoup d’évêques et le peuple de Dieu (voir dans le dernier numéro de M&V, l’article d’Alain Hasso).

Mgr Nourrichard s’était déjà illustré il y a deux mois, en interdisant la communion dans la bouche à la cathédrale d’Evreux, au nom de la grippe H1N1, alors que tout le monde savait déjà que cette grippe ne serait pas l’épidémie prédite par la classe politique et les médias. S’attardant dans sa toute récente carte de vœux, non pas sur l’état de son diocèse, mais sur l ‘échec du Sommet de Copenhague, il montre sans le vouloir quelle farce est aujourd’hui le trop fameux « discours social » des évêques de gauche, lorsqu’ils sont incapables de gérer un conflit parmi leurs prêtres, tout en prétendant s’affliger des dysfonctionnements de la Planète. Quelle conclusion tirer de l’affaire Thiberville ? Non seulement le progressisme est mort depuis longtemps, faute de troupes jeunes et nombreuses, l’affaire Gaillot nous avait permis de nous en apercevoir dès 1995, année de sa destitution du diocèse d’Evreux par le pape Jean Paul II lui-même. A l’époque déjà cela n’avait pas fait un pli. Mais le progressisme fossilisé, demeurant en place dans l’Institution ecclésiale, est devenu aujourd’hui inaudible ou ridicule : Mgr Gueneley, Mgr Raffin et Mgr Rouet en ont chacun à leur manière ce trimestre, administré, la preuve. Mgr Nourrichard risque de devenir le symbole de cette difficulté à communiquer que rencontre le progressisme historique. Même Jean Mercier, dans un très bel article de La Vie, semble prendre acte du caractère anachronique de la lutte engagé par l’évêque normand contre son meilleur curé. Un peu comme Christian Terras, dans Golias, s’était farci Guéneley avec une gourmandise non déguisée. Ces progressistes mitrés sont décidément trop ringards!

Que va devenir l’abbé Francis Michel, dans tout cela ? Le maire de Thiberville, Guy Paris, a déjà annoncé qu’il lui conserverait le presbytère de cette commune. Face au Goliath épiscopal, qui n’est fort que de son embonpoint, il y a toutes les chances que l’abbé Michel demeure longtemps un David efficace, dont l’impact, Internet aidant, pourrait être planétaire.

Claire Thomas

Paris-Normandie - 9 janvier 2010

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Monde & Vie blog - 9 janvier 2010

Un évêque s’en prend au plus dynamique des curés de son diocèse, l’abbé Francis Michel curé de Thiberville. Il annonce sa mutation et le cœur de la Normandie prend feu. Entre Pays d’Ouche et Pays d’Auge commence une « pieuse jacquerie », comme dit Jean Mercier, qui n’a pas fini de faire du bruit.

Mgr Nourrichard le malencontreux évêque d’Evreux, qui a si bêtement raté son coup dimanche dernier, en venant en personne à Thiberville, annoncer la nouvelle et recevoir les huées et les quolibets que mérite son inconséquence, a passé la journée d’hier, jeudi, à la Nonciature, avenue du Président Wilson à Paris, où il a dû se faire taper sur les doigts pour son imprudence. Résultat : pour ne pas donner à nouveau matière aux caméras, en alimentant un feuilleton gaulois qui est en train de faire le tour du monde (on le trouve dans les liens du site Daily telegraph, comme sous la plume du vaticaniste ratzinguérien Andrea Tornielli, rédacteur à Il Giornale), l’évêque vient d’annoncer que le curé de Thiberville restait, dimanche prochain l’abbé Francis Michel et que le nouveau curé ne viendrait pas célébrer la messe. Une manière d’apaiser les esprits ? Un premier recul qui en annonce d’autres ? L’affaire est portée à Rome, s’écrie Nourrichard. Rome jugera.

Des cas comme celui de l’abbé Michel, de curés refusant leur mutation, il y en a des centaines par an dans la chrétienté. Mais celui-là ne passe pas inaperçu. L’enjeu ? Le respect par l’évêque d’une paroisse, la seule qui marche dans son diocèse, et qui marche, selon la volonté de Benoît XVI avec les deux rites. Un seul chiffre : il y a eu 170 confirmations l’an dernier dans le diocèse d’Evreux. 40 pour la seule paroisse de Thiberville. Quand l’abbé Michel est arrivé voici 22 ans, il y avait des ADAP, des assemblée du dimanche en l’absence de prêtre, la pratique n’était pas plus élevée qu’ailleurs. Au bout de 22 ans, Thiberville constitue que l’évêque le veuille ou non le seul fleuron d’un diocèse sinistré par une gestion progressiste qui dure depuis Jacques Gaillot, qui a continué avec Jacques David, et qui se termine dans le désert avec Christian Nourrichard.

Il faut ajouter que la mutation de l’abbé Michel comme vicaire à Louviers (à l’autre bout du diocèse) correspondrait à la fermeture de la paroisse. Comme l’a dit l’évêque qui ce jour là ne s’embarrassait pas de langue de buis : « La paroisse est supprimée » Eh bien ! L’abbé Michel ne refuse pas seulement sa mutation, il refuse cette suppression arbitraire.

Son vœu en cette année sacerdotale, particulièrement consacrée au Curé d’Ars ? Il l’a répété à plusieurs reprises : faire comme le Curé d’Ars, mourir dans sa paroisse, dont il connaît chaque famille, commençant sans doute à marier ceux qu’il a baptisé voici 22 ans.

L’évêque a répondu simplement que l’Evangile ne nous demandait pas de nous arrêter mais d’être toujours en mouvement. Je ne sais sur quel verset il s’appuie, mais il avait déjà été particulièrement malchanceux dimanche dernier en citant un verset de psaume qui n’existe pas. Ce qui est clair en tout cas c’est que rien ne remplacera jamais le dévouement à vie et le lien quasi charnel que le curé tisse avec sa paroisse.

Mais une fois de plus, c’est Vatican II qu’il faut mettre en cause. Première décision du Concile où tous les évêques du monde sont rassemblés : supprimer la charge de curé à vie. Donner des mandats, de six ans renouvelables une fois par exemple. Cette décision a pesé très lourd dans l’accélération de la déchristianisation qui s’est manifestée au tournant des années 70. Un curé à vie, j’en ai connu, c’était l’assurance d’une chrétienté locale stable. Certes lorsque le curé n’était pas consciencieux, il fallait sans doute se le farcir. Mais était-ce si fréquent ? Quand un prêtre est responsable d’un lieu dans lequel il sait qu’il va rester toute sa vie, il fait attention à ne pas causer de scandale et il a à cœur le développement du troupeau, qu’il pourra lui-même vérifier dans la suite de son âge. En un mot : il est responsable. Ce qui n’est pas vrai des arpettes, nommées pour trois six ou neuf ans et qui, du curé à l’évêque ne pensent d’ailleurs qu’à une chose, une fois nommées dans tel ou tel endroit pour trois, six ou neuf ans : en partir.

A l’ancienne, le curé ne part pas. Il doit faire fructifier son capital de fidèles… sur place. Il en est responsable. Il est marié à vie avec sa paroisse… qu’il aime comme sa propre chair. Voilà l’abbé Michel. Son dévouement de prêtre à l’ancienne n’est pas compris des ronds de cuir de l’administration ecclésiastique du diocèse d’Evreux (le sourire du Père Jean Vivien, remplaçant officiel, comme curé de Bernay, du curé de Thiberville, expliquant à la télévision que cette mutation « devait arriver un jour » me restera longtemps dans l’esprit comme un bel exemple de charité entre prêtres). Mais ses fidèles ont reçu le message. 5 sur 5. Et, à l’image du Maire du patelin, Guy Paris, ils font corps avec leur curé.

Nous sommes dans le pays de la Varende, pays de jacqueries et de chouanneries, à quelques kilomètres du Chamblac où, déjà sous Mgr David, avait eu lieu une véritable un véritable soulèvement pour protéger un curé traditionaliste anglais, l’abbé Montgommery. Seule la mort du curé, suite à un accident de voiture, avait interrompu la vie de la paroisse du Chamblac. Du haut de ses soixante ans l’abbé Francis Michel voit l’avenir sereinement. Quand on a le pays d’Ouche avec soi, il n’y a que le ciel qui peut nous tomber sur la tête.

Alain Hasso

08/01/2010

La vie - 8 janvier 2010

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Perepiscopus.org - 8 janvier 2010

Voici un extrait de l'analyse de Claire Thomas, paru dans l'hebdomadaire Monde & Vie daté du 9 janvier, sur l'affaire de Thiberville :

"Il me semble que la première leçon des événements de Thiberville, c’est qu’aujourd’hui le curseur s’est déplacé tellement loin sur la droite, parmi les catholiques qu’un évêque de gauche qui veut avoir un discours de gauche, comme Mgr Nourrichard, chaque fois qu’il s’exprime personnellement, apparaît comme décalé. [...].

Mgr Nourrichard s’était déjà illustré il y a deux mois, en interdisant la communion dans la bouche à la cathédrale d’Evreux, au nom de la grippe H1N1, alors que tout le monde savait déjà que cette grippe ne serait pas l’épidémie prédite par la classe politique et les médias. S’attardant dans sa toute récente carte de voeux, non pas sur l’état de son diocèse, mais sur l ‘échec du Sommet de Copenhague, il montre sans le vouloir quelle farce est aujourd’hui le trop fameux « discours social » des évêques de gauche, lorsqu’ils sont incapables de gérer un conflit parmi leurs prêtres, tout en prétendant s’affliger des dysfonctionnements de la Planète.

Quelle conclusion tirer de l’affaire Thiberville ? Non seulement le progressisme est mort depuis longtemps, faute de troupes jeunes et nombreuses, l’affaire Gaillot nous avait permis de nous en apercevoir dès 1995, année de sa destitution du diocèse d’Evreux par le pape Jean Paul II lui-même. A l’époque déjà cela n’avait pas fait un pli. Mais le progressisme fossilisé, demeurant en place dans l’Institution ecclésiale, est devenu aujourd’hui inaudible ou ridicule : Mgr Gueneley, Mgr Raffin et Mgr Rouet en ont chacun à leur manière ce trimestre, administré, la preuve. Mgr Nourrichard risque de devenir le symbole de cette difficulté à communiquer que rencontre le progressisme historique. Même Jean Mercier, dans un très bel article de La Vie, semble prendre acte du caractère anachronique de la lutte engagé par l’évêque normand contre son meilleur curé. Un peu comme Christian Terras, dans Golias, s’était farci Guéneley avec une gourmandise non déguisée. Ces progressistes mitrés sont décidément trop ringards !"

A noter que Mgr Nourrichard est Membre du Conseil pour les mouvements et associations de fidèles. Effectivement, les mouvements de fidèles, il connaît...